Gérer son budget - Règlement de compte avec la SWDE - Deuxième partie

Publié le par Wonder Lisette

Et me revoici, avec la suite du règlement de compte avec la SWDE.

Nous avions laissé la petite bonne femme à son grand bureau, téléphone raccroché, facture entre les pattes et plus bleue qu'un myosotis asphyxié.

N'écoutant que son courage et sa rage, la petite bonne femme ne fait ni une ni deux : elle sort son ordinateur portable du tiroir et commence à rédiger une lettre au Ministre.

J'explique pour les non-belges. La SWDE, comme son nom de Société Wallonne Des Eaux l'indique, dépend de la Région Wallonne. Je n'expliquerai pas le fonctionnement de l'État belge, l'un des plus compliqués au monde. On serait encore là dans dix ans. Mais il faut savoir qu'en gros on a différents niveaux de pouvoir : le Fédéral, le Régional et le Communautaire. Plus d'autres niveaux plus secondaires : l'Européen, le Communal, le Provincial, etc.

Donc la SWDE c'est le Régional. Le Ministère qui s'en occupe c'est donc un Ministère Régional. Ses compétences sont l'Agriculture, la Ruralité, l'Environnement et le Tourisme. Joli cocktail, n'est-ce pas ?  Comme la SWDE c'est de l'eau, on range le truc dans la case « Environnement ». Et en 2009, le Ministre responsable de l'Environnement c'était Benoît Lutgen. Pour la petite histoire, il est passé à l'Infrastructure tout récemment (= l'état des routes : ça promet... )

La petite bonne femme adresse donc sa lettre à Monsieur le Ministre Benoît Lutgen. Voici ce que ça raconte :


Bruxelles, le 27 février 2009.


Cher Monsieur Lutgen,


C’est avec beaucoup de plaisir que je vous écris : je n’avais, jusqu’à présent, jamais eu l’occasion d’adresser un courrier à un Ministre. Qui plus est, un ministre d’à peu près mon âge, ce qui permet d’espérer qu’il portera sur mon humble situation un regard bienveillant et sympathique. Car il faut se nourrir d’espoirs afin de donner vie à de beaux et ambitieux projets, n’est-ce pas ? En tant que Ministre, je suppose que vous serez entièrement d’accord sur ce point.

L’affaire qui m’occupe et me pousse à chercher auprès de vous quelque conseil est simple : il s’agit d’un rêve. Un rêve, comment vous dire ? Un rêve magnifique, insensé, dispendieux ; de ces rêves que l’on forge dans son cœur et que l’on met toute une existence à réaliser. Ce rêve, fort modeste au regard d’une carrière de Ministre, c’est tout simplement une maison. C’est ma maison. Et cette maison que je tente de restaurer, autant vous le dire tout de suite, Cher Monsieur Lutgen, est en train de se muer en un sombre cauchemar.

Il est bien sûr toujours possible, avec un peu d’imagination, de tourner le scénario à son avantage. Aussi ne m’en privé-je point – les armes ne me font pas défaut, en tant que pro de la com. Plutôt que de verser dans l’attentisme et le misérabilisme, je m’escrime, je mouline, je vocalise. Il m’arrive même de talocher du plâtre, à l’occasion. Sous la baguette magique de ma verve légendaire, la tristesse lugubre de mon chantier enlisé se mue en style « décadence glamour », les interminables dossiers réclamés par la Région deviennent des Gestes Médiévales et les contentieux avec le secteur du bâtiment se déclinent en épisodes haletants, façon Les Mystères de Paris. Jusque-là, me direz-vous, tout va bien.

Mais voici que se profile le méchant de mon histoire, protéiforme et machiavélique, dont le but, l’on s’en douterait, est de me nuire jusqu’à l’os (ou plutôt, dans le cas qui nous occupe, jusqu’au moellon). Et qui est-il, ce sombre acolyte des forces du Mal ? Et bien, Monsieur le Ministre, je vais vous le dire. Ce démon, c’est une hydre toujours renaissante, qui m’inonde de factures, et dont les multiples visages ne cessent de changer : les intercommunales de distribution, la Ville de ***, la Région, les fournisseurs d’énergie. En bref toutes les incarnations de la goule increvable qui menace de me laisser sur le carreau, ratatinée, vidée de ma substance, exsangue et moribonde. Or, à nos âges, Monsieur le Ministre, convenez-en, ce serait bien dommage de finir de la sorte…

Cependant, il est vrai qu’un exemple vaut mieux qu’un long concept abstrait. Je vous l’offre donc, cet exemple, tout gracieusement, pour preuve de mon infinie bonne foi et de mon indéracinable volonté de bien faire. J’ai reçu, ce mois-ci, une facture de régularisation de la S.W.D.E. que vous voudrez bien trouver jointe en annexe. Vous remarquerez immédiatement que la consommation mentionnée sur cette facture équivaut à zéro mètre cube et je vous explique le pourquoi du comment, afin d’éviter que vous ne tiriez de fâcheuses conclusions sur mon hygiène corporelle : il s’agit d’un vide locatif.

Examinons ensemble le premier poste : la Distribution. Terme fort cocasse, que ce mot de Distribution, puisqu’en l’occurrence rien n’est distribué. Mais il paraît qu’il faut lire entre les lignes et que Distribution signifie ici Location de compteur. C’était donc un message codé ! En vérité, je vous le dis, Cher Monsieur Lutgen, à partir de ce point, le Da Vinci Code de Dan Brown, c’est de la littérature de gare !

Cette Distribution, donc est exigible anticipativement pour l’année 2009. C’était déjà le cas en 2008, d’ailleurs. Pour quelle raison régularise-t-on ce poste à postériori, pour la somme fantaisiste de 1,47 € alors que nous sommes dans une logique anticipative ? Le mystère s’épaissit.

C’est au deuxième poste, magistralement intitulé Assainissement, que l’on frôle le génie. Car cet Assainissement, correspond, je tiens à le rappeler, à une consommation mirobolante de zéro mètre cube. Cet Assainissement pour lequel une première facture avait déjà été payée en 2008 dans des conditions rigoureusement identiques. Nous passons de Dan Brown à Hans Christian Andersen : quelle différence entre cet Assainissement-là et les habits neufs de l’empereur ? Il n’y en a aucune, Cher Monsieur Lutgen : tous deux sont inodores, incolores et insipides, à l’instar de l’eau claire dont je ne consomme, au demeurant, pas la moindre goutte. En bref, cet Assainissement n’a de réalité physique que sur la facture. Dans la vraie vie, c’est un pur concept, un fantôme, une brume immatérielle. Dès lors, le risque est réel d’entrer de plain pied dans l’univers inquiétant d’Edgar Allan Poe…

Mais la S.W.D.E, dans sa grande mansuétude, nous épargnera cet écueil, en nous jetant à la face le coût annuel de zéro mètre cube d’eau, à savoir 85 € TVA comprise. Ce qu’il fallait démontrer, comme le diraient sans doute nos collègues latinistes distingués, d’un CQFD laconique. Dura lex, sed lex, ajouteraient-ils certainement, car les latinistes, tout comme la S.W.D.E ne sont pas avares dès qu’il s’agit de taper brutalement sur un clou, fût-il immatériel.

Aussi, pour conclure cette lettre déjà longue – et bien que ce soit un réel plaisir de converser de la sorte avec vous – aussi, donc, n’ai-je qu’une demande à formuler, Cher Monsieur Lutgen. À l’avenir, comment puis-je me prémunir de pareille attaque ? Existe-t-il un moyen, une balle d’argent, un pieu, un chapelet d’ail, qui pourrait me protéger de ce vampire assoiffé de fric, au point de me facturer des crimes que je n’ai pas commis ?! Et que je paie rubis sur l’ongle, néanmoins, avec une douceur et une obéissance parfaites ?

Car il me faut l’avouer honteusement, Cher Monsieur Lutgen : je suis au bord de la faillite. Et, pour des raisons qu’il serait trop long d’exposer ici (bien que cela puisse s’avérer fort divertissant), je n’ai pas même l’espoir d’une issue dans la vente forcée de ce beau rêve insensé, dispendieux et magnifique qui cause tous mes tourments. Je pourrais en faire un roman, sans doute ?

Quoiqu’il en soit, je vous remercie infiniment de m’avoir lue et, dans l’espoir d’un Deus ex Machina de votre main, je vous prie de recevoir, Cher Monsieur Lutgen, l’assurance de mes sentiments les plus respectueux.




Madame X,
Propriétaire persécutée.
Alors suite à ce courrier, qu'est-ce qui se passe ?

Pour le savoir, rendez-vous dans la troisième et dernière partie du Règlement de compte avec la SWDE.

Le suspense reste entier


Wonder Lisette

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