Gérer son budget - Savez-vous planter les sous ? 3. L'immobilier

Publié le par Wonder Lisette

Voici un sujet que tout bon belge adore : la brique qu'il a dans le ventre. C'est devenu presque un classique, dans notre petit royaume. Avoir son home sweet home à soi est LA priorité n° 1 de beaucoup de familles (et de célibataires aussi, d'ailleurs). En moyenne 75 % des belges sont propriétaires - trois-quart d'entre nous, donc.

Mais pourquoi tant de belges ne jurent-ils que par la propriété immobilière ? Ce n'est certainement pas à cause de la fiscalité : l'État prend une taxe sur chaque vente. Contrairement à d'autres pays, où les droits d'enregistrement ne sont perçus qu'une seule fois. Car en Belgique, c'est à chaque coup qu'on passe à la caisse. Si une maison change de mains dix fois en dix ans, l'État perçoit dix fois 12,5 % du prix de vente. Pour donner une idée, cette taxe est d'environ 5 % en France et de 6 % au Grand-Duché de Luxembourg. Sur ce coup-là, c'est bien vu de la part de l'État belge...

En fait, la raison très évidente de ce désir d'être propriétaire, c'est que louer en Belgique n'a pas vraiment la réputation d'être une bonne affaire. Jusqu'il y a peu, les loyers augmentaient en effet beaucoup plus vite que le prix des maisons. En tout cas, jusqu'au début des années 2000.

Ensuite, on ne peut pas déduire le prix du loyer de ses impôts. Par contre, si on achète sa maison, il est possible de déduire jusqu'à 2.650 € de ses revenus annuels si on fait un crédit hypothécaire. Ce n'est pas rien, pour un revenu moyen en tout cas. Surtout quand on sait que la Belgique est un des pays les plus taxés AU MONDE.

Et enfin, le prix des maisons était encore relativement abordable ces dernières années.

Petite remarque : je dis bien relativement, car depuis 2002 c'est un peu le délire. Si on compte qu'il faut plus ou moins 350.000 € tous frais compris pour acheter une maison à Bruxelles (pas dans les beaux quartiers, évidemment ! ), le calcul est vite fait. À du 4,73 % en 20 ans fixe, par exemple, ça donne une mensualité de 2.240 €. Combien faudrait-il gagner de salaire pour pouvoir payer ce crédit hypothécaire sans problème ?

Petit rappel : le montant maximum pour le total des crédits est de 30 % de 90 % du salaire (le total des revenus moins les 10 % de dépenses d'épargne). C'est un sacré problème de maths, n'est-ce pas ?  Allez, je vous aide...

- montant maximum d'emprunt : 2.240 € = 30 %
- montant du salaire : x = 100 %
- solution : x =  7.466 € de salaire (2.240 € d'emprunt maximum divisés par 30 % multipliés par 100 %)

Je sais ce que vous allez couiner : « HEIN ?!!! 7.466 € !!! ??? Mais PERSONNE ne gagne autant par mois !!! » . Je vous arrête. Je connais personnellement des gens qui gagnent bien plus encore. Mais c'est un autre monde...

En tout cas pour le revenu moyen on est bien d'accord : c'est totalement hors de prix.

Malgré tout, pas mal de gens sont encore candidats à la propriété.

Certains bénéficient d'aides spéciales : taux d'intérêts réduits pour les petits revenus, formules avantageuses pour la construction de maisons passives, réduction des droits d'enregistrement sous certaines conditions, etc.

D'autres se fient à leurs bons plans : acheter une ruine pas très cher et la rénover entièrement, acheter une maison en viager, acheter un petit appartement bon marché puis le revendre avec un bénéfice pour acheter une maison à la place, etc.

D'autres encore s'endettent jusqu'au cou en espérant que tout ira bien, ils signent un contrat de crédit avec taux variable et advienne que pourra.

Toutes les techniques existent et on trouve même parfois des montages financiers complètement originaux : les familles recomposées ont ouvert la porte à toutes les audaces notariales (et il était temps !)

Mais au final, vu ce que ça coûte, est-ce vraiment une si bonne idée de vouloir devenir propriétaire ? Voyons ça d'un peu plus près.

1. Les intérêts :

Sur un crédit de 10.000 € pour une voiture, on a vite fait de payer 1.000 € d'intérêts (quatre années suffisent).

Alors vous imaginez un peu ce que ça donne, sur un montant de 350.000 € emprunté à du 4,5 % d'intérêts. Non ? Ben je vais vous le dire : ça donne qu'au final on aura payé presque 530.000 € au lieu de 350.000 €. Vous pouvez couiner : ça fait bien dans les 180.000 € de différence !

C'est vrai que chaque année on peut déduire de ses revenus jusqu'à 2.650 € du prêt (jusqu'à maintenant en tout cas). Mais même dans ces conditions, ça reste un fameux paquet d'argent. Avec tous ces sous, on aurait pu s'en payer, des vacances de rêve à Cuba !

Il est évidemment toujours possible de choisir un taux d'intérêts variable. C'est-à-dire un taux qui sera revu régulièrement par la banque en fonction de l'état des marchés. Ce qui permet d'obtenir un taux d'intérêt moins élevé les premières années (et donc une mensualité moins lourde). Mais comme les taux sont très faibles pour le moment, il ne faut pas être grand devin pour prévoir qu'ils vont forcément remonter. Un taux d'intérêt variable qui sera revu chaque année peut ainsi passer de 3 % au départ à 6 % à l'arrivée. Du coup, le taux fixe redevient la meilleure solution après 4 ans. Ce qui veut dire qu'on s'est fait pigeonner.

Louer serait moins cher ? Voyons cela. Si on table sur une inflation de 2 % par an, que se passe-t-il ? Le locataire qui signe un bail avec un loyer de 1.280 € pour une maison peut raisonnablement estimer que dans 20 ans le loyer sera de 1.792 €.

Et  pour un propriétaire ? Dans le cas d'un prêt hypothécaire à taux d'intérêt fixe, le propriétaire qui paie 1.280 € de mensualité en 2010 payera la même chose en 2040. La seule différence, c'est que la maison achetée 200.000 € en 2010 en vaudra bien plus en 2040 ! À du 2 % d'augmentation de prix par an, ça fait 80.000 € de plus en 20 ans. Moralité : le propriétaire n'a pas payé 4,5 % d'intérêts par an. Mais 4,5 % d'intérêts moins 2 % d'inflation = 2,5 % en tout. Et il faut encore décompter ce qu'il a déduit de ses impôts.

En conclusion, acheter ou louer revient à peu près au même dans les conditions actuelles.

Vu sous cet angle, acheter sa maison n'est pas un si mauvais plan. Même si on doit être prêt à faire un prêt et à payer des intérêts ()

2. Les frais :

Le locataire s'en fout mais celui qui achète sa maison ne tarde pas à connaître sa douleur : être propriétaire, ça coûte (très) cher.

D'abord, il y a le précompte immobilier. Ce n'est pas du pipeau. On le calcule suivant le Revenu Cadastral. « C'est quoi, le précompte immobilier et le Revenu Cadastral ? » , que vous allez couiner.

Le Revenu Cadastral, c'est très simple : l'État considère que si le propriétaire louait sa maison, ça lui rapporterait autant par an. C'est le Revenu Cadastral que le propriétaire pourrait en tirer.

Le précompte immobilier c'est un impôt sur les revenus immobiliers. C'est-à-dire que l'État prend des sous au propriétaire qui investit dans une maison. Exactement comme pour les investissements en argent liquide sur un compte d'épargne. Car l'État sait que le compte d'épargne rapporte des intérêts. Tout comme l'État sait pour le coup de la maison qui augmente de valeur tous les ans. L'État sait tout et on ne la lui fait pas...

Conséquence : chaque année le propriétaire doit déclarer dans ses impôts le Revenu Cadastral de sa maison. L'État indexe ce montant (c'est-à-dire qu'il l'augmente) et calcule les sommes que le propriétaire doit lui payer. Les sommes ?!  Oui, vous avez bien lu : les sommes.

Une première taxe est due lors du paiement de l'IPP -> Impôt sur les Personnes Physiques, c'est-à-dire la fameuse « déclaration d'impôts ». Dans les revenus qu'on déclare, l'État compte AUSSI le montant qu'on toucherait si on décidait soudain de louer sa maison. En principe, on peut contourner cette taxe en déduisant les intérêts qu'on paie sur son crédit hypothécaire. Les premières années du prêt en tout cas.

Une deuxième taxe est due lors du paiement du précompte immobilier. C'est une taxe qui arrive séparément chaque année et qui correspond à la « taxe foncière » de nos voisins français. Celle-là il faut la payer quoiqu'il arrive et elle augmente chaque année (augmentation d'un peu plus de 3 % par an, soit + 60 % d'ici 20 ans si on continue au même rythme).

En passant, petite remarque : ça fait des années et des années que l'État est dans l'impossibilité de mettre ses registres à jour. En conséquence, des hangars transformés en loft tout confort fin des années '90 sont toujours enregistrés avec un Revenu Cadastral de 125 € et taxés en proportion.

Par contre, des maisons bourgeoises du 19ème siècle plus du tout au goût du jour et situées dans des zones complètement sinistrées sont toujours enregistrées avec un Revenu Cadastral de 2.500 € et taxées en conséquence.

Moralité : toute une partie du patrimoine architectural de Belgique disparaît peu à peu car l'entretenir coûte des fortunes et ne rapporte absolument plus rien.

Mais revenons-en aux frais :  il y a plein d'autres encore.

Une maison, c'est du solide mais il ne faut pas être l'un des Trois Petits Cochons pour savoir que ça peut s'écrouler. Il faut donc l'assurer, cette maison. Et les assurances bâtiment coûtent très cher. Quand on fait un crédit hypothécaire, sauf exception scandaleuse - -, on est OBLIGÉ par la banque d'assurer le bâtiment contre la destruction (incendie, tempête, tremblement de terre, etc.) Le montant de l'assurance dépend de la valeur de reconstruction de la maison : on calcule le chiffre en se basant sur une expertise du bâtiment et sur le prix qu'il a coûté (et/ ou qu'on a emprunté).

Ensuite, puisqu'il est question de solidité, une maison ça s'use. Pas autant ni aussi vite qu'une paire de chaussures, mais les réparations dans une maison coûtent souvent bien plus cher qu'une nouvelle paire de baskets !

Régulièrement, il faut également (re)mettre la maison aux normes : électricité, chauffage, sanitaires, etc. Parfois, c'est au choix du propriétaire. Parfois, c'est l'État qui s'en mêle à nouveau et oblige TOUS les propriétaires à faire certains travaux. Si le propriétaire a les moyens de faire les travaux, pas de problème. Mais si ce n'est pas le cas, l'État peut très bien décider de sévir et de coller une amende aux récalcitrants.

Enfin il arrive aussi que d'autres ennuis viennent empoisonner l'existence du propriétaire : voisins et/ou locataires négligents et/ ou malhonnêtes, vices de construction qui refont surface, inondations, termites et mérule - et j'en passe.

Il faut donc un solide fond de roulement quand on est propriétaire. C'est-à-dire une enveloppe en plus de l'enveloppe « c'est vraiment trop injuste ». Ça fait donc qu'on a deux enveloppes : une pour ses propres bobos et une pour les éventuels bobos de la maison. Je vous laisse calculer ce que ça donne quand on a EN PLUS des lardons dans la maison...

3. La protection de l'environnement :

C'est un problème assez récent mais qui va prendre de plus en plus d'ampleur pour beaucoup d'entre nous : le réchauffement climatique ne va pas bouleverser que les saisons. Les factures de gaz, de mazout et d'électricité n'ont pas fini de donner des frissons à pas mal de propriétaires (et de locataires également, y a pas de raison). La seule différence entre les propriétaires et les locataires, c'est que ce ne sont pas les locataires qui vont payer les nouvelles installations de chauffage ni les panneaux solaires.

Les propriétaires quant à eux n'ont pas fini de dépenser des sous dans les investissements verts et durables. Surtout que l'État considère qu'en tant que responsable d'un bâtiment, le propriétaire doit être en mesure de s'en occuper correctement. Sinon, gare aux (futures) punitions sous forme de taxes supplémentaires !

En conclusion, être propriétaire c'est comme de tenir un budget : il faut faire preuve d'une sacrée dose de discipline et d'une énorme motivation. Ce n'est pas forcément un bon investissement : il faut choisir la bonne maison dans le bon quartier et pouvoir retrousser ses manches quand c'est nécessaire. Tous ces sacrifices ne sont pas faciles à faire. On peut les comprendre et les assumer si c'est pour s'offrir le home sweet home de ses rêves. Mais si c'est dans l'espoir de faire des sous avec un investissement juteux, ce n'est peut-être pas un si bon plan que ça.

N'y a-t-il donc aucun moyen de faire des sous avec des sous ? C'est ce qu'on va examiner dans l'article suivant : en retournant sur les bancs de l'école.

Wonder Lisette.

Publié dans Gérer son budget

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C
<br /> Ah, Lisette! J'adore ce blog! Et le coup de la maison plus au goût du jour dans une zone sinistrée, ça sent le vécu!!<br /> <br /> <br />
Répondre
W
<br /> Comme tu le sais, c'est du vécu ;)<br /> <br /> Quand c'est que tu passes boire un kawa dans mon "Notre-Dame des courants d'Air" ? Je te promets que je te ferai pas le coup de Jacques Legras à l'Abbé Castagnier :))<br /> <br /> Gros bisous et à tout tout bientôt,<br /> <br /> M.<br /> <br /> <br />